Gai, gai, marions-nous ?
À quoi sert le mariage ?
Toutes les communautés humaines ont le souci prioritaire d'assurer leur perpétuation et c'est à cela qu'elles doivent leur survie. Ce truisme se traduit par des institutions qui visent à encourager la reproduction sexuelle et l'éducation des enfants. Avec de grandes différences selon les civilisation : rapt des femmes, marchandisation et enfermement des femmes, mariage monogamique à l'occidentale... Que pèse aujourd'hui ce dernier dans un monde où les Occidentaux, en rapide décroissance démographique, ne représentent déjà plus qu'à peine 15% de l'humanité ?
Dans la chrétienté médiévale, le mariage n'avait d'autre justification que d'assurer l'éducation et la protection des enfants. La fidélité dans le mariage était requise et généralement pratiquée mais elle n'était pas impérative. Les personnes coupables d'adultère étaient invitées à se confesser et leur conjoint à leur pardonner ! Le XIIe siècle, siècle de l'amour courtois et de l'adultère, s'est ainsi plu à dissocier le mariage de l'amour.
Le XIXe siècle bourgeois s'est aussi distingué par la vogue de l'adultère mais il a cultivé, sous la plume des romantiques, un idéal amoureux qui a fait du mariage l'aboutissement naturel d'un coup de foudre de jeunesse. On a quinze ou vingt ans, on tombe amoureux et l'on s'aime pour la vie (Cosette et Marius dans Les Misérables). C'est à la même époque, sous les auspices d'une classe dirigeante laïcisée et détachée de la religion, que l'on a sacralisé la fidélité dans le mariage en autorisant le divorce pour adultère, en opposition à la pratique de l'Église.
Cette conception héritée du XIXe siècle perdure de nos jours. Elle est cause de lourds malentendus et de grossières perversions du droit. C'est ainsi que l'on a prétendu étendre aux homosexuels le droit de se marier, comme si le contrat de mariage était nécessaire pour s'aimer et vivre ensemble. On a conçu l'homosexualité de façon exclusive : on est ou on n'est pas homosexuel ; l'idée que l'on puisse se prêter à diverses expériences comme les libertins d'antan est devenue inconcevable, par une forme de puritanisme inversé.
Plus gravement, faute de reconnaître la nature différente de l'amour et du mariage, on a sacrifié le second (et l'on est en voie de sacrifier le premier). Dans l'état commun à tous les êtres humains (comme à toutes les espèces sexuées), il est légitime de céder aux émois de l'amour et aux découvertes de tous les plaisirs à l'adolescence, dans l'insouciance de la prime jeunesse, sans penser à plus. Avec la maturité, à vingt ans pour simplifier, on commence à concevoir un projet de vie et avant tout un projet familial. La quête amoureuse, dans ce cas, est orientée vers la recherche d'un partenaire avec lequel partager ce projet. La nature de l'amour qui est ici requise n'a rien à voir avec le coup de foudre adolescent, quoique celui-ci ne soit pas à exclure. Il est fait de complicité, de sympathie, d'attrait réciproque... en bref, de tout ce qui fonde un projet durable organisé autour de l'accueil d'enfants. Cela n'exclut pas des accidents de parcours, voire une rupture. C'est la vie.
À l'opposé de cette démarche, bercés par l'idéal romantique, nous nous obligeons à croire, même à trente ans passés, qu'il ne saurait y avoir de mariage sans coup de foudre et passion juvénile. Que nous soyons homme ou femme, nous refusons de nous avouer notre aspiration à un projet familial. Nous nous accrochons aux fantasmes de 50 nuances de Grey. Et c'est pourquoi tant de nos contemporains se dessèchent dans la solitude en laissant passer l'âme-soeur avec laquelle conquérir la vie et l'éternité.
Publié ou mis à jour le : 2021-07-20 09:16:53