Le blog de Joseph Savès
Herodote Facebook Herodote Twitter Herodote Youtube
>> Incidence N°2

Vous avez accès à
un dossier complet
autour de ce sujet :

Incidence N°2

Sur la protection sociale



 

L'État-providence qui s'est épanoui dans la deuxième moitié du XXe siècle en Europe est aujourd'hui devenu un monstre impotent au bord de l'asphyxie. Décryptons ces dispositifs sans a priori et redéfinissons avec cohérence les services apportés aux citoyens, salariés ou non, riches ou pauvres, ainsi qu'aux travailleurs étrangers...

La protection sociale inclut en France quatre « risques » : d'une part le chômage, géré par l'UNEDIC, d'autre part les accidents du travail, la maladie (y compris la maternité) et la vieillesse, tous les trois pris en charge par la Sécurité Sociale.  Elle est aujourd'hui financée par 1) des cotisations salariales (60%) dont une partie est plafonnée, 2) la CSG ou cotisation sociale généralisée (30%), qui pèse sur tous les revenus, 3) des dotations de l'État.

L'indemnisation du chômage compte pour 70 milliards d'euros environ. Les dépenses de la Sécurité Sociale atteignent quant à elles 480 milliards d'euros, dont 200 pour la branche maladie, 15 pour la branche accidents du travail, 50 pour la famille et 215 pour la vieillesse. Le coût total des retraites (régime général et régimes complémentaires) s'élève à 290 milliards d'euros. Toutes ces données sont des ordres de grandeur que l'on peut comparer au produit intérieur brut (PIB) de la France, qui est d'environ 2200 milliards d'euros.

Cette protection sociale est essentielle à la cohésion nationale. Mais elle n’a guère évolué depuis sa mise en place après la Seconde Guerre mondiale et souffre d'anomalies conceptuelles de plus en plus pesantes à mesure que notre société d'éloigne du modèle des « Trente Glorieuses ». Dans la perspective d'optimiser la protection sociale et son financement, réfléchissons à ses principes en oubliant ce que nous savons de l'existant : 

1- L'assurance chômage a vocation à être financée par tous ceux qui sont soumis à ce risque, autrement dit les salariés en contrat à durée indéterminée (CDI), sous la forme d'un prélèvement obligatoire sur les salaires bruts versés par leur employeur. Le total de ces cotisations à l'instant t alimente les versements aux chômeurs au même instant selon des critères fixés par la caisse d'assurance chômage, laquelle est administrée par les représentants des salariés (syndicats). Les excédents des années de vaches grasses sont placés sur les marchés financiers en prévision des années de vaches maigres. 

On peut admettre un plafonnement des indemnités de chômage, corrélé à un plafonnement des cotisations. Supposons que la cotisation obligatoire soit de 5% du salaire brut et que les chômeurs soient indemnisés à hauteur de 60% de leur ancien salaire. Si l'on plafonne les indemnités à 3000 euros par mois, il est normal dans ce cas que les salariés recevant plus de 5000 euros par mois voient leur cotisation plafonnée à 250 euros (5% de 5000 euros). Ce double plafonnement a la vertu d'encourager les chômeurs « de luxe » à rechercher plus activement un emploi.

2- Le risque maladie concerne tous les citoyens. Il est juste qu'il soit financé par une cotisation obligatoire universelle sur l'ensemble des revenus (travail et patrimoine). Il est juste aussi que cette cotisation soit plafonnée. En effet, considérant ce qu'il en coûte au maximum de soigner un individu sur toute sa vie, il ne s'agit pas que, pour les personnes fortunées, les cotisations obligatoires dépassent ce maximum, à défaut de quoi ces personnes se verront logiquement tentées par l'exil fiscal.

Il n'y a pas de raison que les caisses d'assurance maladie soient administrées par des syndicats de salariés ou d'employeurs dès lors que les cotisations et les remboursements concernent l'ensemble des citoyens, y compris les inactifs et les rentiers. 

La logique veut qu'elles soient administrées par des comités paritaires représentant les assujettis et les organismes de santé (médecins, hôpitaux, laboratoires...). Il serait souhaitable que les caisses d'assurance maladie soient établies à un échelon de proximité comme le département, pour être au plus près des problèmes. Avec une caisse pour un ou deux départements, on introduit une saine émulation entre les différentes caisses au lieu d'avoir à gérer comme aujourd'hui un monstre bureaucratique national.

3- Les allocations familiales, comme le risque maladie, ont vocation à être financées par l'ensemble des citoyens. Mais dans l'hypothèse d’une Allocation universelle attribuée aux enfants comme aux adultes, elles perdent leur raison d'être.

4- Les accidents du travail doivent normalement être financés par tous les employeurs, sous la forme d'une cotisation obligatoire prélevée sur l'ensemble des salariés : CDI, contrats à durée déterminée (CDD), intérimaires... Ces cotisations ont vocation à être gérées par une caisse spéciale administrée par les représentants des salariés et des employeurs (syndicats). Il s'agit en effet d'impliquer les uns et les autres dans la prévention de ce risque.

5- La retraite concerne tous les travailleurs salariés et les entrepreneurs rémunérés par des bénéfices commerciaux. Il est juste qu'elle soit financée par une cotisation obligatoire sur l'ensemble de ces revenus. À qui confier son administration ? Soit aux représentants des salariés et des entrepreneurs, soit à ceux de l'État, soit aux représentants des trois.

Important : disons-nous bien que les cotisations retraite ne sont pas conservées sous cloche en attendant l'heure bénie de la cessation d'activité, mais immédiatement redistribuées aux retraités. Chaque retraité touche une pension calculée en proportion de ses cotisations passées par rapport au total des cotisations ; mais le montant de cette pension dépend du total des cotisations actuelles.

Expliquons-nous sur un exemple simple : si les cotisations d'un salarié pendant sa vie active s'élèvent à un trente-millionième du montant total des cotisations dans la même période, une fois retraité, il touchera chaque mois une pension égale peu ou prou au trente-millionième du montant total des cotisations dans le même mois. En somme, son niveau de vie en tant que retraité dépendra bien plus de l'état de la société à ce moment-là que du temps de sa vie active. Si le pays s'est par malheur appauvri dans l'intervalle, par exemple en convertissant ses industries à haute valeur ajoutée en services bas de gamme, les retraités subiront comme l'ensemble des citoyens les conséquences de cet appauvrissement, quoiqu'il en ait été de leurs cotisations passées. 

La loi et les conventions collectives fixent de manière rigide les conditions de départ à la retraite (âge minimum, taux des pensions…).  Ces rigidités sont néfastes à l'activité économique comme à l'épanouissement des individus et aux finances publiques. Nous préconisons au lieu de cela que chaque salarié puisse choisir le moment d'arrêter son activité, ou aussi bien de la prolonger à plein temps ou à temps partiel si sa santé le permet.

À partir de la cinquantaine, le salarié doit pouvoir se retirer avec une pension calculée d'après le total de ses cotisations antérieures et son espérance de vie. C'est un calcul dont les actuaires des compagnies d'assurance se sont faits une spécialité. Il doit aussi être possible au salarié de poursuivre son activité à temps partiel, si son employeur en est d'accord, ou de reprendre une autre activité sans avoir à s’en justifier.  

Cette flexibilité est d'abord d'un grand profit pour les individus, ce qui est l'essentiel, l'objectif du corps social étant l'épanouissement de ses membres : chacun, selon son nature, peut anticiper sa retraite pour cause d'usure ou au contraire la différer pour éviter de tomber en  dépression. Cette flexibilité est aussi d'un grand profit pour l'économie dans une époque caractérisée par le vieillissement de la population : elle facilite en effet la transmission des savoirs et des compétences, en permettant par exemple à de vieux professionnels de former à mi-temps les jeunes destinés à les remplacer. On verra que l'Allocation universelle est un atout pour la mise en œuvre de cette flexibilité.

Dernière observation : les salariés de nationalité étrangère cotisent comme les autres aux caisses de retraite alors qu’ils sont supposés rentrer plus tard dans leur pays. Il serait juste que leurs cotisations retraite soient consignées sur un compte spécial et leur soient restituées au moment de leur retour au pays. Dans le cas où ils choisiraient de s’établir en France, elles seraient reversées aux caisses de retraite ordinaires et ils percevraient normalement leur pension. Ce dispositif est plus équitable et plus respectueux des contraintes familiales que le système actuel qui oblige le travailleur étranger à demeurer en France, y vieillir et mourir loin de son milieu d’origine, s’il veut bénéficier de ses droits à la retraite.


 

Publié ou mis à jour le : 2018-05-21 22:28:32