Europe occidentale
Immigration et dénatalité, le couple fatal
L’immigration ? C’est une chance pour la France. Et d’ailleurs, il y en a si peu que ça ne vaut pas la peine d’en parler. Ce sont les démographes Hervé Le Bras et François Héran qui nous l’ont dit, sur la foi des statistiques, lesquelles ne mesurent que ce que l’on peut ou l’on veut leur faire mesurer (Churchill : « Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées »).
Le malentendu initial dérive de la définition d’un immigré : une personne installée en France, avec ou non la nationalité française, et née à l’étranger sous une nationalité étrangère. Prenons le cas de Fatoumata, adolescente de 15 à 17 ans née dans la région de Kayes, au Mali. Son père l’a mariée à un cousin de 20 ans plus âgé qui vit en France et bénéficie d’un emploi à la mairie de Paris. Le couple a déjà un bébé quand Fatoumata rejoint son mari Mamadou dans un quartier malien du côté de Montreuil. Enceinte, elle accouche en France d’un deuxième bébé. Celui-ci apparaîtra dans les statistiques comme aussi français que vous et moi tandis que son aîné sera identifié comme immigré. Incohérent.
Pour le commun des mortels, il va de soi que l’installation en France de la famille de Mamadou suscite des questionnements qui échappent à la froideur des statistiques. Il faut en chercher la raison dans les profondeurs de l’Histoire. En 1960, il y a à peine 60 ans, tous les Européens pouvaient faire remonter la quasi-totalité de leurs ancêtres aux Indo-Européens qui ont envahi le continent il y a 4500 ans. Les Français pouvaient même se prévaloir d’une stabilité du peuplement depuis mille ans. La France et l’Europe occidentale n’ont en effet connu ni invasion ni immigration de masse tout au long du IIe millénaire. Cette exception universelle a contribué à l’émergence d’une civilisation à nulle autre pareille.
L’immigration extra-européenne, qui a débuté en 1974 (statistiques à l’appui !) ne peut se comparer aux mouvements intra-européens des siècles antérieurs. Mamadou et Fatoumata n’ont rien à voir avec les cadets de Gascogne qui allaient s’établir dans la Castille vidée de ses conquérants musulmans ou les paysans de Vénétie qui reprenaient des terres en friches en Gascogne.
D’abord modérée, cette immigration extra-européenne s’est accélérée en France au début du XXIe siècle et dans l’ensemble de l’Europe occidentale à partir de 2015. Aujourd’hui, c’est un flot qui se conjugue à une natalité européenne en berne. Un phénomène sans équivalent historique (les « Grandes Invasions » de la fin de l’empire romain ne concernaient que quelques centaines de milliers d’individus ; quant aux États-Unis du XIXe siècle, ils ont dû leur croissance démographique autant à la très forte natalité des anciens immigrants qu’à l’arrivée de nouveaux).
En France et en Europe occidentale aujourd’hui, la conjonction de l’immigration de masse et d’une très faible fécondité annonce des changements cosmiques à l’horizon d’une vie.
Songeons que la population européenne se rapproche d’un indice de fécondité d’un enfant par femme (même chose en Extrême-Orient) et la crise sanitaire a selon toute vraisemblance accéléré la baisse. Très concrètement, cela signifie par exemple qu’il naît cette année 600 000 Italiens. Dans une génération (environ 30 ans), les bébés devenus adultes auront à leur tour 300 000 bébés. Et 150 000 à la génération suivante, en 2080 (à comparer aux 3 ou 4 millions de bébés qui naîtront la même année au Mali ou au Niger). Autant dire que le peuple qui a engendré Michel-Ange et Raphaël aura quasiment disparu à cette échéance. Et la Nature ayant horreur du vide, il aura été remplacé par les migrants venus du grand Sud qui, à défaut d’accumuler les richesses matérielles, cultivent l’amour de la vie et l’instinct de l’espèce.
Les démographes ont longtemps cru qu’à l’équilibre primitif, avec une fécondité naturelle qui compense une mortalité très forte, succèderait un nouvel équilibre, fondé sur une mortalité naturelle réduite au minimum et une fécondité tout juste suffisante pour assurer le renouvellement des générations (deux enfants par femme en moyenne). Nous n’en sommes plus là. En Afrique noire, la persistance d’une fécondité naturelle suscite certes des interrogations sur le sort des futures générations. Mais dans les pays développés, l’effondrement de la natalité annonce une agonie douloureuse avec des adultes actifs obligés de supporter des inactifs âgés (et impotents) deux ou trois fois plus nombreux, sans compter les migrants que l’on sera bien en peine d’instruire et prendre en charge. Voilà l’avenir auquel nous assigne notre résignation.
Publié ou mis à jour le : 2021-05-10 09:38:02