Le blog de Joseph Savès
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Allocation universelle

L'Allocation universelle, une utopie fondatrice

Distribution et financement


Venons-en à la mise en œuvre de l'Allocation universelle. Quels montants ? Quels coûts ? Les contribuables, particuliers et entreprises, doivent-ils craindre une hausse de la fiscalité ? Les salariés du secteur social doivent-ils aussi craindre pour leur emploi ?

Avant d’aller plus loin, faisons un rapide détour par la monnaie : grâce à sa médiation, chaque agent économique (particulier ou entreprise) peut vendre le fruit de son activité et, dans le même temps, avec l’argent reçu, acheter de quoi combler ses besoins. La monnaie passe de main en main au gré des échanges en restant toujours elle-même, sans changer ni disparaître.

Si des agents aspirent à consommer davantage de produits ou de services que précédemment, ils font appel à un crédit et pour cela, la banque crée de la monnaie supplémentaire :
• Si les emprunteurs arrivent à se désendetter en augmentant leurs propres ventes de produits ou services, il s'ensuit la création d’un nouveau cycle d’échanges adossé à la monnaie supplémentaire,
• S'ils n'y arrivent pas, ils se désendettent en réduisant leurs consommations et l'on se ramène aux cycles antérieurs ou à peu près...

Ainsi qu'on le voit, la création de monnaie correspond dans une économie saine à la mise sur le marché de produits ou de services supplémentaires.

Comme l'Allocation universelle ne crée elle-même aucun produit ou service supplémentaire, elle ne doit logiquement s’accompagner d’aucune création de monnaie. Elle doit seulement modifier les circuits existants de la monnaie en améliorant la satisfaction globale de chacun, en supprimant les poches de pauvreté et en fluidifiant le rapport au travail. Elle ne doit bien entendu léser personne et il s'agit au contraire que le plus grand nombre y trouve son intérêt.

Ainsi donnera-t-elle aux citoyens la capacité, le goût et l'envie de s'insérer dans les activités d'échanges, avec au bout du compte, une augmentation de celles-ci et davantage de bien-être pour tous.

Ce préalable montre que c'est à masse monétaire constante que l'Allocation universelle doit se mettre en place. Il serait irrationnel de la financer par la dette ou la planche à billets. 

III-A – Hypothèses chiffrées :

L'Allocation universelle doit être d'un montant suffisant pour remplacer avantageusement le maquis actuel des prestations. Elle ne doit pas non plus être trop élevée, d'abord pour ne pas alourdir la pression fiscale, ensuite pour ne dissuader personne de travailler et participer à la création collective de richesses.

Dans un premier temps, voyons l'attribution de cette Allocation universelle en net (ce qui reste à ses bénéficiaires après soustraction des cotisations obligatoires).

Nous proposons ces hypothèses de départ pour la France : 66 millions d’habitants dont 15 millions de moins de vingt ans, 13 millions de plus de 65 ans, 3 millions de chômeurs et 25 millions d’actifs.

1) Minimums sociaux (chiffres arrondis, 2017) :

- Un salaire minimum (SMIC) de 1150 euros net par mois sur la base de 35 heures hebdomadaires. C'est environ 1500 euros en incluant les « charges salariales et patronales », autrement dit les assurances maladie, famille, vieillesse et chômage.

- Un Revenu de solidarité active (RSA) de 540 euros net par mois pour une personne seule, 800 euros pour une personne avec un enfant.

- Une Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) de 800 euros net par mois pour les personnes d'au moins 65 ans.

2) Une Allocation  universelle légèrement supérieure aux minimums sociaux :

Nous suggérons pour chaque adulte 650 euros net par mois, déduction faite de la cotisation d'assurance maladie qui doit logiquement peser sur tous les revenus.

Les mineurs reçoivent un peu moins que les adultes ; disons 240 euros net pour chaque enfant de moins de 12 ans et 360 euros pour chaque mineur de 12 à 18 ans. Les personnes handicapées ou dépendantes reçoivent un peu plus (ou beaucoup plus si leur handicap le justifie).

D’aucuns jugeront ce montant modeste mais il doit rester proche des minimums existants car il serait vain de prétendre distribuer du jour au lendemain des richesses qui n’existent pas ou de vouloir gommer d’un seul coup les écarts de revenus. L’objectif est une dynamique vertueuse qui stimule l’initiative et l’activité tout en assurant à chacun un minimum d’aisance. C'est tout le contraire de ce que l’on observe aujourd’hui : des dépenses sociales qui pèsent sur l’activité sans être pour autant efficaces.

3) Ajoutons à cette Allocation universelle une Allocation logement :

Cette Allocation logement se justifie car le logement est un facteur clé de socialisation. Aujourd'hui, il donne lieu à des politiques de soutien plus brouillonnes les unes que les autres et souvent contre-productives, par exemple quand la puissance publique encourage par des prêts bonifiés et des crédits d’impôt la construction de logements locatifs loin des zones d'activité.

En remplacement de ces politiques, nous suggérons donc une Allocation logement bâtie sur un principe légèrement différent de l’Allocation universelle.

D’un montant de 150 euros net pour chaque affilié (100 euros pour les mineurs), elle est dans tous les cas versée par l'État au logeur de l’affilié, autrement dit au propriétaire de son logement. Elle vient en déduction du loyer que verse l’affilié à son logeur. Si le propriétaire est l’affilié lui-même, c’est lui qui reçoit l’Allocation logement. L’Allocation logement est traitée par le propriétaire du logement comme un revenu financier et imposée comme tel. Elle n'est pas affectée de cotisations sociales.

Ce dispositif garantit la solvabilité au moins partielle des locataires. Ainsi, pour un couple avec deux enfants, le propriétaire est assuré de recevoir au moins 500 euros par mois quelle que soit la situation professionnelle des parents. Et il sait que la famille dispose d'au moins 1780 euros de revenu net grâce à l'Allocation universelle (2 fois 650 euros pour les adultes ; 2 fois 240 euros pour les enfants). Voilà de quoi le rassurer.

L’Allocation logement établit par ailleurs une stricte neutralité de traitement entre les particuliers qui achètent un logement et ceux qui préfèrent la location.

Chaque formule a ses avantages et ses inconvénients : les propriétaires n'ont à payer leur logement que pendant la durée des emprunts mais ils prennent le risque d’être plus tard incapables de le revendre et d'être bloqués dans leur mobilité professionnelle ; les locataires sont libres de déménager à tout moment et ce qu'ils paient sous forme de loyers, ils le récupèrent sous forme de dividendes en plaçant leur épargne à la Bourse, comme de nombreux Suisses ou Allemands, un choix qui n'est pas sans risque.

Acheter ou louer ? Avec l'Allocation logement, les gouvernants n'ont pas à privilégier l’un ou l’autre choix.

Incidence N°9 : Sur l’accès au logement

Avec l’Allocation logement, il devient possible d’élaguer la législation ubuesque qui paralyse l’activité du logement en France : les prêts bonifiés (candidats à la propriété) et les aides au logement (locataires) n'ont plus lieu d'être. Les bailleurs de logements sociaux peuvent aussi s’affranchir de leurs obligations et toucher l’Allocation logement, mais à condition de renoncer aux aides publiques… [lire la suite]

III-B – L’Allocation universelle : état antérieur, état final

Avec les hypothèses précédentes, l'Allocation universelle, complétée par l'Allocation logement, assure aux ménages sans emploi davantage de ressources que les aides sociales en tous genres... sans pour autant coûter plus cher à la collectivité.

Voyons les estimations pour un couple sans emploi et deux enfants de 12 à 18 ans :

Avec l’Allocation universelle, le total mensuel perçu par cette famille s'élève à 2520 euros (Allocations universelles = 650+650+360+360 ; Allocations logement = 150+150+100+100). C'est suffisant pour survivre modestement mais avec dignité, du moins dans une petite ville.

Ces versements, à la différence des aides sociales en tous genres, sont automatiques. Ils ne requièrent aucune supplique humiliante auprès de l'Administration. Ils ne sont soumis à aucune contrainte ou effet de seuil. Ils peuvent librement être complétés par des travaux occasionnels en attendant un emploi régulier.

Étant versée par le fisc à tous les citoyens sur des critères simplissimes, l'Allocation universelle a un coût de gestion pratiquement nul, assumé pour l'essentiel par les offices de gestion. Ce coût, que l’on peut évaluer aux alentours de 3% des revenus collectés ou 10% du montant de l'Allocation universelle, est très largement inférieur au coût des administrations et des associations en charge des aides en tous genres (sélection et traitement des demandes, contrôles et luttes contre la fraude).

Comparons l’Allocation universelle en vitesse de croisière à la situation actuelle, avant de voir comment la mettre en œuvre et l’amener à cette vitesse de croisière.

- Aujourd’hui, l'État-Providence mobilise plus de la moitié de son budget sous forme d'aides et de prestations sociales de tous ordres : revenu minimum (RSA), allocations familiales, aides au logement... À cela s'ajoutent les dépenses de fonctionnement des administrations et des associations qui gèrent ces fonds et les distribuent. Ces dépenses de fonctionnement sont d'autant plus élevées que les conditions d'attribution des aides sont complexes et nécessitent des frais de dossiers importants.

- Avec l'Allocation universelle et son complément l'Allocation logement, toutes ces dépenses disparaissent et avec elles les administrations et les associations qui ont la charge de les gérer.

Le bilan comptable pour l'État et les collectivités est positif. Du moins une fois que les agents et salariés mis en disponibilité auront pu se recaser dans des emplois profitables ou prendre leur retraite [Incidence N°7].

Pour les bénéficiaires modestes, le bilan est assurément bénéfique en termes de dignité, liberté et responsabilité : ils n'ont plus à craindre une entourloupe administrative, ils ne dépendent plus du bon vouloir des bénévoles des associations, ils peuvent saisir toutes les opportunités de travailler sans se priver d'une aide quelconque, ils bénéficient d'une écoute personnalisée et d'un environnement solidaire au sein de leur office de gestion.  

Incidence N°10 : Sur l’immigration

Sont exclus de l'Allocation universelle les étrangers avec un visa de tourisme, les étrangers en situation irrégulière mais aussi les citoyens résidant à l’étranger. Il faut éviter  que l'Allocation universelle puisse être versée à un Français de Londres ou Montréal doté d’un emploi bien rémunéré.
Il faut aussi éviter qu'elle devienne un appât pour les habitants des pays en souffrance. Cela implique de clarifier les lois sur l'immigration. Par la même occasion, l'Allocation universelle peut soulager et même supprimer les tensions nées de l'immigration dans les dernières années… [lire la suite]

III-C – Mise en œuvre de l’Allocation universelle

Nous avons entrevu à quoi ressemblerait la société avec l'Allocation universelle. Reste à la mettre en place. La démarche paraît à première vue complexe et coûteuse. Dans les faits, nous allons le voir, elle s'avère simple et avantageuse. C'est affaire de réflexion et de méthode. Il s'agit de ne pas bousculer les particuliers, les entreprises et les administrations mais de les amener progressivement et sans frais à l'Allocation universelle.

1) Création des offices de gestion :

• Dans un premier temps, l'État suscite la création d'offices de gestion : tout postulant doit témoigner d'une compétence comptable et d'une bonne moralité. Les agents de la fonction publique sont invités à faire acte de candidature, avec l'assurance de conserver pendant un temps leur salaire et de retrouver leur statut protégé s'ils le souhaitent. Les entreprises grandes ou moyennes peuvent créer leur propre office de gestion à partir de leur service comptable ; les plus petites peuvent se regrouper par affinités. Enfin, on l'a vu, les entreprises de travail temporaire ou encore les syndicats peuvent aussi constituer un office de gestion.

• L'État invite chaque particulier à s'enregistrer auprès d'un office de gestion avec ses enfants et personnes à charge : pour les salariés en CDI, soit la grande majorité des adultes en activité, il s'agit généralement de l'office de gestion émanant de leur employeur principal. Les autres actifs et les retraités peuvent se rabattre sur l'office de gestion de leur conjoint ou tel office de gestion proche de leur domicile... En la matière, chacun garde sa liberté de choix et de dédit.

Avec internet, cette première étape peut être rapide : trois mois. C'est le temps utile pour constituer un registre universel des offices de gestion et de leurs affiliés, en lien avec le fichier qui gère les numéros de Sécurité Sociale des citoyens et des étrangers en séjour longue durée.

2) Évaluation des besoins sociaux :

Dans le même temps, les pouvoirs publics évaluent les taux de cotisations et les taxes qui pèseront sur les différents revenus en régime de croisière, avec une Allocation universelle et une Allocation logement généralisées :

• En considérant les besoins globaux, ils évaluent la part des revenus d'activité (salaires, CDD et prestations) qui devra être réaffectée par les offices de gestion aux organismes sociaux :
- budget de l'assurance maladie (Sécurité Sociale),
- budget de l'assurance chômage, déduction faite de l'Allocation universelle versée aux chômeurs,
- budget de l'assurance retraite (retraite de base), déduction faite de l'Allocation universelle versée aux retraités.

La même évaluation est établie par les sociétés d'assurance complémentaire (maladie, retraite) pour la part qui leur revient.

Notons qu'avec l'Allocation universelle et l'Allocation logement, certaines cotisations comme les allocations familiales n'ont plus lieu d'être, de même que différentes taxes parafiscales, par exemple pour financer le logement social. Notons aussi que certains impôts seront allégés, par exemple du fait que les communes n'auront plus à financer les repas dans les cantines scolaires, ces repas seront très normalement payés par les parents grâce à l'Allocation universelle de l'enfant...

Par ailleurs, cette refonte des cotisations et taxes sociales peut être l'occasion de revoir le financement de l'assurance maladie. On peut ainsi fusionner les cotisations salariales et la taxe dite CSG (Cotisation sociale généralisée) sous la forme d'une cotisation unique (et plafonnée) qui pèserait sur l'ensemble des revenus (revenus d'activité, revenus financiers et Allocation universelle). Cette réforme-là peut en théorie être dissociée de la mise en oeuvre de l'Allocation universelle mais il serait dommage de ne pas la mener de pair en profitant du chamboulement général.

• Une fois détaillés les besoins des organismes sociaux, les pouvoirs publics calculent les taux des cotisations nécessaires à leur financement sur les différents revenus, y compris sur l'Allocation universelle, soumise à l'assurance maladie. Il ne s'agit encore que d'un calcul virtuel qui définit le régime de croisière à une date ultérieure.

3) Versement de l'Allocation universelle et des différents revenus :

Au terme de cette première étape :

• Les services fiscaux de l'État versent à chaque office de gestion les Allocations universelles destinées à leurs affiliés.

On est ici en face d'une dépense extraordinaire par son caractère inédit et par son montant : pour l'ensemble de la population française, elle s'élève à environ 40 milliards d'euros sur un mois, soit près du tiers de la richesse nationale. Cette dépense ne correspondant à aucune création de richesse supplémentaire, il convient de la compenser. C'est ce que nous allons voir un peu plus loin.

• Les employeurs, caisses de chômage et de retraite, organismes sociaux et organismes financiers versent aux offices de gestion les revenus dus à leurs affiliés : salaires bruts, prestations, pensions, allocations, dividendes, ventes etc.

4) Gestion de l'Allocation universelle dans la phase de lancement :

Parmi les bénéficiaires de l'Allocation universelle, faisons une distinction entre les ayant-droit qui ont un revenu régulier et contractuel (salariés, chômeurs et retraités) et les autres :

• Les salariés, chômeurs et retraités n'ont pas de raison de gagner davantage que précédemment.

Ces personnes constituent les deux tiers de la population française (25 millions de salariés CDI ou CDD, 3 millions de chômeurs et 15 millions de retraités sur 66 millions d'habitants).

Comme tout le monde, elles reçoivent l'Allocation universelle via leur office de gestion. Mais comme il n'y a pas de raison que leur revenu augmente, leurs employeurs et les caisses de chômage et de retraite restituent aux services fiscaux une somme équivalente à l'Allocation universelle et déduisent cette somme des salaires bruts, allocations et pensions qu'ils versent à leur office de gestion.

De la sorte, pour tous les contrats et conventions pré-existants, les offices de gestion versent à leurs affiliés le même revenu net que précédemment ! 

Cet artifice comptable est destiné à faciliter la mise en oeuvre de l'Allocation universelle :
- il ne s'applique qu'aux contrats et conventions pré-existants à l'Allocation universelle,
- il rend l'Allocation universelle indolore et neutre pour les personnes concernées (salariés, chômeurs et retraités),
- l'un dans l'autre, il n'affecte pas plus les comptes de l'État que des entreprises et des caisses de chômage et de retraite.

« Il faut que rien ne change pour que tout change ! » pourrions-nous dire en inversant la célèbre formule du Guépard.

Remarque : pour tous les contrats et conventions pré-existants, les offices de gestion versent les cotisations et taxes aux organismes sociaux selon les mêmes taux que précédemment. Toutefois, dans le cas des organismes qui auront été supprimés avec l'avènement de l'Allocation universelle, elles reverseront leur quote-part aux services fiscaux de l'État ; c'est le cas par exemple avec les allocations familiales, devenues sans objet.

• Les autres personnes : inactifs, travailleurs indépendants ou clandestins, étudiants, enfants et personnes à charge, reçoivent l'Allocation universelle en remplacement de leurs revenus sociaux et en complément de leurs revenus d'activité ou financiers.

- L'Allocation universelle vient en remplacement des revenus sociaux (RSA, bourses d'étudiants, allocations familiales, primes de rentrée scolaire, subventions dans les cantines, les transports etc.) que les organismes publics cessent d'alimenter. 

C'est là que l'Allocation universelle produit ses effets les plus déterminants !

Pour les personnes concernées, elle constitue une avancée sociale importante, d'une part parce que son montant est supérieur au total de leurs aides antérieures, d'autre part parce que son automaticité leur épargne des démarches pénibles et leur donne toute latitude pour gagner de l'argent par d'autres moyens (prestations occasionnelles par exemple).

- L'Allocation universelle vient par ailleurs en complément des revenus d'activité des travailleurs indépendants (artisans, commerçants, pigistes, auteurs etc.) ainsi que des revenus financiers (rentes, loyers etc.).

Les revenus d'activité des premiers ne sont pas réguliers ni garantis par contrat. Sous l'effet de la concurrence et des changements occasionnés par la mise en place de l'Allocation universelles, ils vont de différentes manières être réajustés ou compensés en l'espace de quelques mois. 

En ce qui concerne les revenus financiers, il est difficile de prédire leur évolution. Notons que l'extension des cotisations d'assurance maladie à l'ensemble des revenus, y compris des revenus financiers, peut gommer le gain apporté par l'Allocation universelle. En tout état de cause, les personnes qui vivent exclusivement de ces revenus sont en nombre très limité (quelques centaines de milliers). Pour l'État, leur attribuer l'Allocation universelle n'a rien d'excessif.

Dès cette phase de lancement, les personnes en quête d'un emploi ou désireuses d'en changer vont négocier avec leur futur employeur un salaire réduit qui prendra en compte l'Allocation universelle.

Pour les contrats d'embauche (CDI) conclus après le lancement de l'Allocation universelle, l'artifice comptable du début n'a plus lieu d'être : les employeurs n'ont plus à reverser aux services fiscaux l'équivalent de l'Allocation universelle. Même chose pour les caisses de chômage et de retraite. On applique sur tous ces revenus d'activité les taux de cotisations évalués précédemment.

Au final, c'est tout le circuit des échanges qui va se renouveler en quelques mois, sans douleur et sans guère de surcoût pour les finances publiques...

4bis) Gestion de l'Allocation logement dans la phase de lancement :

Soeur cadette de l'Allocation universelle, l'Allocation logement est d'une mise en oeuvre encore plus aisée. 

Ainsi qu'on l'a vu précédemment, il est prévu que les propriétaires fonciers reçoivent de l'État une Allocation logement pour chaque personne qu'ils logent, y compris eux-mêmes et leur famille s'ils sont propriétaires de leur logement (c'est le cas de la moitié des ménages français).

La procédure est simple : chaque affilié communique à son office de gestion le bail de son logement ou son titre de propriété ; l'office de gestion transmet l'identité du propriétaire aux services fiscaux et ceux-ci versent l'Allocation logement correspondante au propriétaire... Pardon, à son office de gestion.

Il n'est pas normal pour autant que les propriétaires recueillent l'Allocation logement en plus de leur loyer habituel ou des bonifications de prêts  dont ils ont bénéficié lors de l'achat du logement.

Comme on l'a vu avec les salariés relativement à l'Allocation universelle, on convient donc d'une phase transitoire :

• Si l'affilié est déjà propriétaire de son logement, l'office de gestion transmet aux services fiscaux le total des bonifications qu'il a reçues pour l'acquisition de son logement et celles-ci sont déduites de ses Allocations logement à venir.

• Si l'affilié paie un loyer à un propriétaire privé, son office de gestion ne transmet l'identité du propriétaire aux services fiscaux qu'après que le locataire a demandé la résiliation de son contrat de location et obtenu sa révision... C'est ce qu'il fera si le propriétaire lui promet une baisse conséquente du loyer en compensation de l'Allocation logement !

• Si l'affilié occupe un logement social à loyer réglementé, le bailleur lui-même communique aux services fiscaux le total des aides publiques qu'il a reçues. Ensuite, s'il le souhaite, il révise les contrats qui le lient à ses locataires et il touchera les Allocations logement correspondantes une fois que l'État aura récupéré les aides précédemment accordées.

Dès cette phase de lancement, les personnes en quête d'un toit (sans domicile, étudiants, jeunes ménages...) et les personnes désireuses de déménager peuvent faire valoir l'Allocation logement à leur éventuel loueur. Celui-ci convient avec elles d'un loyer réduit qui prend en compte l'Allocation logement de tous les futurs occupants.

Au final, c'est toute la politique du logement qui est appelée à se renouveler sans douleur et en l'espace de quelques mois, avec pour résultat des loyers accessibles pour tous et des locataires tous solvables, y compris les personnes aujourd'hui sans domicile ni revenu.

Notons au passage que les procédures ci-dessus, pour la mise en oeuvre de l'Allocation universelle et de l'Allocation logement, sont très simples et facilement automatisables avec internet. Elles sont imperméables à la fraude. Elles se substituent qui plus est à des procédures beaucoup plus nombreuses et plus lourdes : aides sociales, aides au logement, prêts bonifiés etc. etc.

À partir de là, le régime de croisière est atteint progressivement, au gré des changements d'employeur et de logement. Il n'en coûte rien ou à peu près rien aux pouvoirs publics : la fin des aides sociales en tous genres et la fermeture des administrations et associations en charge de leur gestion doit en effet compenser le coût de ces allocations. 

III-D – Compensations et ajustements

Revenons sur la conclusion précédente et détaillons-là. Voyons comment l'État va pouvoir distribuer l'Allocation universelle sans gêne pour quiconque. Voyons aussi ce qu'il en est de l'Allocation logement et de la rémunération des offices de gestion.

1) Rentiers, professionnels libéraux, travailleurs indépendants et prestataires occasionnels :

Ces personnes qui bénéficient de revenus propres représentent environ 20% de la population active et 7 ou 8% de la population totale.

Pour elles, l'Allocation universelle apparaît dans l'immédiat comme une gâterie sans doute bienvenue mais coûteuse pour l'État. Son coût sera cependant assez vite résorbé par la révision des taxes et impôts et par l'adaptation naturelle des échelles de prix et de revenus à la nouvelle configuration :

• Dans le cas des rentiers, bénéficiaires de revenus financiers et immobiliers (loyers), l'Allocation universelle pourra être compensée par une imposition des revenus plus simple et plus progressive, incluant la suppression de trop nombreuses « niches » fiscales,

• Avec les professionnels libéraux, les travailleurs indépendants et les prestataires occasionnels (ménage, travailleur « au noir »...), nous avons affaire à des personnes dont les rémunérations (honoraires, factures...) varient en fonction du marché et de la concurrence.

L'Allocation universelle les conduit à réajuster à la baisse leurs prétentions, d'une part parce qu'elle leur apporte un revenu de base, d'autre part du fait d'une concurrence accrue avec la possibilité pour tout un chacun, salarié à temps partiel, chômeur, inactif, jeune retraité... d'effectuer des prestations occasionnelles de type PPP (Paiement prestation professionnelle) [Incidence N°8].

2) Inactifs, étudiants, enfants et personnes à charge :

Ces catégories se définissent par l'absence de revenus d'activités ou financiers ; rien d'autre que des revenus sociaux et les revenus reçus de leurs proches ou de leurs parents. On va constater que l'Allocation universelle rend inutiles la plupart des prestations sociales qui leur sont destinées.

• Les enfants et personnes à charge sont pour l'essentiel entretenus par leurs parents ou leurs tuteurs. Ils bénéficient aussi de prestations sociales innombrables : allocations familiales, prime de rentrée scolaire, subventions dans les cantines et les loisirs parascolaires, allocation adulte handicapé etc etc.

On peut juger légitime que l'Allocation universelle couvre et remplace toutes ces prestations. Mais cela ne suffit pas : sa vocation est en effet de rendre financièrement autonome tous les individus, qu'ils aient ou non un salaire ou un revenu. Il faut donc qu'elle soit d'un montant suffisant pour couvrir - à un niveau modeste - tous les frais des personnes à charge, sans que leurs parents ou tuteurs aient à en pâtir. C'est pour cela que nous l'avons évaluée à 240 euros/mois pour un enfant de moins de douze ans ; 360 euros au-delà ; davantage pour une personne handicapée ou dépendante (à cette allocation s'ajoute, notons-le, l'Allocation logement :100 ou 150 euros/mois).

Les enfants et personnes à charge sont en France au nombre d'environ quinze millions. Évaluons à 4500 euros le montant moyen de leur Allocation universelle chaque année, soit un total de l'ordre de 65 à 70 milliards d'euros. Ce total ne représente jamais que 3% de la richesse nationale (PIB). Certes, il dépasse le montant des prestations actuelles destinées à ces mêmes personnes... et c'est tant mieux !

C'est tant mieux pour les couples qui ont envie d'avoir plusieurs enfants et aspirent à bien les éduquer. Tant mieux aussi pour les handicapés et leurs tuteurs !

Notons que, si l'État distribue davantage que précédemment à ces catégories-là, enfants et handicapés, il  fait par ailleurs l'économie des administrations en charge de gérer ces prestations ; il peut se dispenser aussi de subventionner les associations qui tentent de canaliser la jeunesse à la dérive, cette jeunesse ayant désormais les moyens d'être autonome. 

• Les étudiants bénéficient aujourd'hui de bourses et d'aides diverses qui ont leur utilité mais occasionnent aussi des effets pervers : c'est ainsi que beaucoup de jeunes bacheliers sans motivation s'inscrivent dans une université dans le simple but de profiter de ces menus avantages ; d'autres, malgré leur motivation pour les études, se voient obligés de pratiquer des petits boulots en parallèle pour subvenir à leurs besoins. 

Avec l'Allocation universelle et l'Allocation logement, ces bourses et ces aides perdent leur utilité, de même que les boulots d'appoint. Les étudiants n'ont plus à financer que des frais d'inscription. Ceux qui manquent de motivation ou de capacité à mener des études longues peuvent chercher d'autres voies sans qu'il leur en coûte.

Ici, le coût de l'Allocation universelle et de l'Allocation logement nous apparaît sans conteste inférieur au coût actuel des aides estudiantines, surtout si l'on prend en considération leurs dommages collatéraux : années d'études gâchées, universités saturées par des étudiants en surnombre et sans espoir de réussite...

• Les inactifs sont les adultes qui ne cherchent pas d'emploi (ou n'en cherchent plus). Au nombre de quelques millions, ils ont aujourd'hui droit pour la plupart à de nombreuses aides, à commencer par le RSA ou Revenu de solidarité active. Beaucoup n'en continuent pas moins de dormir dans la rue...

L'Allocation universelle et l'Allocation logement assurent à ces personnes un revenu régulier et un logement (au moins une chambre meublée), tout en les dispensant de courir les organisations de bienfaisance. C'est pour elles l'assurance d'une dignité retrouvée... et un encouragement à reprendre le chemin de l'emploi en effectuant des prestations occasionnelles PPP.

Sans insister, nous voyons bien que le coût de l'Allocation universelle et de l'Allocation logement pour cette catégorie de personnes est nettement inférieur à ce que dépense l'État pour elles en aides directes et subventions aux associations caricatives. Répétons-le aussi : réjouissons-nous de la fin des associations caricatives comme nous pourrions nous réjouir de la fin de la police et de l'armée si les crimes et les guerres venaient à disparaître.

3) Allocation logement :

L'Allocation logement est versée à tous les propriétaires pour chaque personne qu'ils logent : il peut s'agir de locataires ou tout simplement d'eux-mêmes et de leur famille s'ils sont propriétaires de leur logement. Nous avons suggéré 150 euros par adulte et 100 euros par enfant.

Cette Allocation logement vient en remplacement des aides publiques sur le logement, qu'elles s'adressent aux locataires ou aux propriétaires, via les prêts bonifiés et les aides diverses à la réfection.

Elle met un terme aux logements sociaux cofinancés par les investisseurs et l'État : les bailleurs de ces logements sociaux (HLM...) peuvent encaisser l'Allocation logement de leurs locataires mais dans ce cas, il doivent s'aligner sur le droit commun et renoncer à leur statut particulier ainsi qu'aux aides publiques ; à défaut, ils peuvent rester dans leur état antérieur et faire l'impasse sur l'Allocation logement.

Pour les locataires comme pour les propriétaires, l'Allocation logement est l'assurance d'une plus grande fluidité du marché du logement [Incidence N°9]. Pour l'État, c'est une dépense d'une centaine de milliards d'euros (5% de la richesse nationale), à comparer aux cinquante milliards d'euros aujourd'hui dépensés pour un résultat médiocre (ce montant de cinquante milliards est une estimation basse qui ne prend pas en compte les prêts bonifiés et les coûts administratifs). 

4) Rémunération des offices de gestion :

L'office de gestion effectue auprès des salariés et de l'ensemble des citoyens un accompagnement comptable et administratif qui était auparavant le lot des entreprises et de l'État. Pour assurer la viabilité des offices de gestion et leur indépendance, nous préconisons une rémunération forfaitaire par l'État, à raison de 10% environ du montant de l'Allocation universelle (note).

Ce coût de l'ordre de 45 milliards d'euros peut être très vite amorti grâce à la suppression concomitante dans les administrations publiques et dans les entreprises des postes dédiés au traitement des bulletins de salaires et au suivi des salariés. Les entreprises peuvent aussi contribuer au financement des offices de gestion par une augmentation de l'impôt sur les sociétés, augmentation calculée pour être équivalente à leurs économies de gestion.

5) Récapitulatif des coûts :

Nos hypothèses de départ pour la France sont les suivantes : 66 millions d’habitants dont 10 millions d'enfants de moins de treize ans, 4 millions d'adolescents de treize à dix-huit ans, 25 millions d'adultes salariés, 3 millions de chômeurs, 10 millions d'inactifs et 14 millions de retraités de plus de 65 ans.

L'Allocation universelle et l'Allocation logement se traduisent en vitesse de croisière par les dépenses publiques suivantes (en milliards d'euros par an) :


 
enfants
adolescents
adultes inactifs
salariés et indépendants
chômeurs

retraités
total

Allocation universelle
28,8
17,3
78
195
23,4

109,2
451,7

Allocation logement
12
4,8
18
45
5,4
25,2
110,4
 
 

• Dans la mise en oeuvre de la réforme, l'Allocation universelle destinée aux salariés et indépendants, chômeurs et retraités (327,6 milliards d'euros au total) n'a pas d'impact immédiat sur les finances publiques, ainsi qu'on l'a vu précédemment.

Aussi longtemps que les citoyens conservent leur situation, qui au travail, qui au chômage, qui à la retraite, ils toucheront une Allocation universelle fictive qui n'affectera pas leur revenu ni les finances de leur employeur ou de leur caisse.

Mais lorsqu'un salarié changera d'employeur ou lorsqu'un chômeur retrouvera un emploi, ils négocieront leur salaire sur de nouvelles bases car, une fois l'embauche pérennisée, leur futur employeur verra ses coûts salariaux diminués du montant de l'Allocation universelle (ce sera le cas pour tous les contrats d'embauche conclus après la mise en place de l'Allocation universelle). Il s'ensuivra très vraisemblablement un relèvement des plus bas salaires.

• Avec les enfants, les personnes à charge, les étudiants et les inactifs, l'Allocation universelle prend effet immédiatement (124,1 milliards d'euros au total). Mais son coût sera pour les deux tiers au moins compensé par la disparition concomitante de nombreuses aides, allocations et prestations ainsi que des administrations et des associations afférentes (allocations familiales, aides à l'enfance et aux étudiants, prestations handicapés, prestations sociales  et RSA...).

• L'Allocation logement (110,4 milliards d'euros au total) est immédiatement compensée pour moitié par la suppression des aides au logement et des prêts bonifiés (environ 50 milliards d'euros). Comme avec les salaires, allocations de chômage et pensions, sa mise en place progressive, à mesure que se renouvelleront les baux, n'engendrera aucune secousse dans les finances publiques.

Ainsi tout le monde s'alignera-t-il en quelques années sur le nouveau cadre social avec une Allocation universelle qui n'aura plus rien de fictif. 

6) Compensation du surcoût de l'Allocation universelle :

Ainsi qu'on l'a vu, sur une Allocation universelle évaluée à 451,7 milliards d'euros par an, l'État ne prend immédiatement à sa charge que quarante milliards environ (2% du PIB annuel) sur la partie destinée aux enfants, personnes à charge, étudiants et inactifs. Le reste lui advient au fil des mois, à mesure que contrats, conventions, prestations et baux changent et se renouvellent.

On a donc l'assurance d'une mise en place progressive et souple de l'Allocation universelle tout comme de l'Allocation logement. Cette mise en place est aussi relativement rapide, propre à satisfaire les nouvelles aspirations des citoyens, en particulier des personnes en manque d'emploi, de revenu ou de logement.

Qu'il nous soit permis de souligner tout l'intérêt de cette souplesse : l'Allocation universelle et l'Allocation logement sont appelées à changer en profondeur les structures sociales et les rapports économiques entre les citoyens. Mais comme de juste, dans un premier temps, elles laissent de côté les personnes bien installées avec un revenu et un logement assurés ; elles s'adressent en priorité aux autres personnes qui sont dans le besoin.

Ah, direz-vous. Cette utopie fondatrice, si belle soit-elle, a tout de même un coût d'une quarantaine de milliards par an, au moins aussi longtemps que n'auront pas été digérées les charges devenues inutiles (aides sociales et administrations et associations afférentes). Comment la puissance publique peut-elle se prémunir contre ce coût, contre d'éventuels dérapages dans la mise en oeuvre de l'Allocation universelle, voire aussi contre de possibles attaques spéculatives par les marchés financiers ?

Pour répondre à ces risques éventuels, financer sereinement la mise en place de l'Allocation universelle et de l'Allocation logement et accompagner leur déploiement, nous préconisons le recours à l'« impôt rémunéré ». Son fonctionnement est très simple : l'État propose aux épargnants de confier au fisc, en sus de l'impôt obligatoire, la somme de leur choix avec l'assurance de pouvoir la récupérer aussitôt qu'ils le souhaiteront avec une prime de fidélité !

Ainsi l'État pourra-t-il se financer de façon exceptionnelle, sans passer par le système bancaire. La prime, assimilable à un intérêt d'emprunt, sera calculée pour être plus élevée que les intérêts habituels des obligations et simultanément moins élevée que les intérêts réclamés à l'État par ses financiers.


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Conclusion

Publié ou mis à jour le : 2019-09-20 11:12:07