Le blog de Joseph Savès
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Le dossier d'nosutopies.fr

Une sécurité trompeuse

Retraités et épargnants ont tout à perdre... avec l'euro


L'opinion publique reste attachée à la monnaie unique car elle est abusivement devenue le symbole exclusif de la construction européenne. Sur un plan plus pratique, elle fait figure de bouclier pour les épargnants et les retraités attachés à des revenus stables. Mais il s'agit d'un contresens manifeste. L'analyse détaillée est à retrouver dans Comment la monnaie unique tue l'Europe...

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À l'attention des retraités et des épargnants modestes, les partisans de la monnaie unique tiennent un discours qui relève du catastrophisme le plus mensonger :
• Ils soulignent que l'euro permet aux États européens d'emprunter à bas taux et ainsi de moins dépenser.
• Ils nous assurent aussi que les épargnants et les retraités verraient leurs revenus fondre comme neige au soleil en cas d'abandon de la monnaie unique, à cause des dévaluations...

Les mêmes prophètes de malheur assuraient il y a 25 ans que l'euro amènerait la prospérité pour tous et réduirait les différences de niveau de vie d'un pays à l'autre. Leurs propos actuels relèvent de la même ignorance. Démonstration :

Les taux d'intérêt bas liés à l'euro sont-ils un atout pour notre pays ?

Non, ils s'apparentent plutôt à une drogue : les banquiers acceptent de faibles taux d'intérêt parce que l'Allemagne les induit en confiance, par son sérieux et sa cohésion. Du coup, ces taux exagérément bas encouragent nos gouvernants à s'endetter de façon déraisonnable (administrations pléthoriques, infrastructures surdimensionnées).

Quand la France disposait de sa souveraineté monétaire et devait payer ses emprunts à leur coût véritable, le gouvernement, quel qu'il soit, assumait ses responsabilités. S'il s'endettait et laissait filer ses déficits (De Gaulle et Pompidou en 1968, Mitterrand et Mauroy en 1981), les conséquences s'en faisaient immédiatement sentir, avec une dévaluation dans les deux ans qui suivaient et un retour à la raison.

Rien de tel aujourd'hui. Telle une drogue ou un analgésique qui dissipe la douleur, les facilités d'emprunt sur les marchés étrangers nous dissuadent de réagir à la dégradation de notre balance commerciale et à l'effondrement de notre secteur productif (industrie et agriculture). Ainsi pouvons-nous nous enfoncer vers le sous-développement sans en éprouver aucune gêne.

La fin de l'euro et les dévaluations peuvent-elles ruiner les épargnants ?

Si l'on devait sortir de la monnaie unique, il s'ensuivrait la création d'une monnaie nationale. Elle pourrait être protégée des à-coups de la spéculation par une monnaie commune européenne qui serait réservée aux échanges avec le reste du monde (voir notre analyse : Une solution, la monnaie commune).

Avec ou sans monnaie commune, on aboutirait dans tous les cas à une dévaluation de la monnaie nationale, le franc, vis-à-vis de la monnaie de l'Allemagne car le premier objectif d'une sortie de l'euro actuel est de rééquilibrer les échanges commerciaux de la France avec un taux de change pertinent. 

Important à savoir : la dévaluation, contrairement aux allégations des ignorants et des prophètes de malheur, n'a aucun effet sur les revenus fixes (placements financiers ou immobiliers& ; pensions de retraite. Elle leur est même plutôt favorable comme le prouve l'Histoire !

- Les placements financiers sont devenus plus précaires avec la monnaie unique :

• De 1949 à 1989, le franc a vu sa valeur divisée par trois par rapport au mark. Les épargnants s'en sont-ils plus mal portés ? Non, bien au contraire. Ils avaient trouvé dans l'industrie matière à de bons et solides placements car l'activité productive pouvait se déployer sainement à l'abri de sa monnaie nationale.
• Aujourd'hui, les épargnants raisonnables n'investissent plus dans l'industrie et à peine dans l'immobilier. Ils en sont réduits à placer leurs économies en obligations d'État et le gouvernement les emploie à secourir les laissés-pour-compte de la désindustrialisation ! 

- Les dévaluations éventuelles n'affectent pas le niveau de vie des Français :

Dans la même période, de 1949 à 1989, les Français, actifs ou inactifs, ont pu encaisser des dévaluations à répétition sans jamais en pâtir. Au contraire, leur niveau de vie a progressé dans des proportions jamais atteintes depuis.

La chose est facile à comprendre : les épargnants et les retraités français, tout comme les salariés, vivent normalement en France. Ils touchent leur revenu en francs et le dépensent en francs. Le taux de change du franc par rapport au dollar ou à la roupie est transparent pour eux. Il n'affecte en aucune façon le rapport entre le montant qu'ils perçoivent et ce qu'ils peuvent dépenser.

Reste que le taux de change affecte le prix des produits importés. Une dévaluation peut donc être lourde de conséquences pour les Français qui s'entêteraient à n'acheter que des voitures allemandes et des produits agro-industriels et appareils électro-ménagers de même provenance. Mais c'est justement l'objectif de la dévaluation : dissuader les Français d'acheter de produits étrangers et les encourager à se tourner vers les produits nationaux. Plutôt une Peugeot qu'une BMW, plutôt une salade du marché qu'une salade en sachet de chez Lidl. Faut-il s'indigner d'une contrainte (acheter national) dont nos voisins allemands font une fierté et un devoir ?

• Sur le court terme, pour les personnes à revenus fixes (pensionnés, rentiers...), la dévaluation se solde par un surcoût supplémentaire proportionné à leurs achats de produits étrangers : ceux qui dépensent tout leur revenu dans des produits étrangers voient leur pouvoir d'achat diminuer à peu près du même taux que la dévaluation ; ceux qui dépensent tout leur revenu dans des produits français ne voient aucun changement dans leur pouvoir d'achat.
• Sur le moyen terme, quand la situation se stabilise, les effets de la dévaluation deviennent unanimement profitables : les exportations et les importations s'équilibrent grâce à une baisse des premières et une hausse des secondes. Les entreprises du secteur concurrentiel reprennent des couleurs, font des marges, réinvestissent et embauchent à nouveau. L'État engrange des recettes nouvelles sans avoir besoin d'augmenter les impôts. Il voit ses charges diminuer spontanément avec la baisse du chômage, des aides sociales et des emplois aidés
• Sur le long terme, l'État, qui a moins besoin d'emprunter, se dégage de la Bourse et passe le relais aux entreprises car celles-ci ont besoin à leur tour d'emprunter pour investir et répondre à la demande. Les épargnants abandonnent les obligations d'État pour des placements plus avantageux à la Bourse.

En renforçant les entreprises, la monnaie nationale consolide les pensions de retraite futures

Ainsi, avec le retour à la monnaie nationale et le regain d'activité de l'industrie, les retraités et futurs retraités peuvent se rassurer sur l'avenir de leurs pensions !... Il faut comprendre en effet que les pensions de retraite versées tel mois ou telle année sont un prélèvement sur la richesse produite par les actifs dans le pays, durant le même mois ou la même année (PIB ou Produit Intérieur Brut).

Leur répartition entre tous les retraités du moment dépend des cotisations versées par les uns et les autres au cours de leur vie active (tel retraité qui a cotisé deux fois plus que tel autre aux mêmes caisses recevra une pension deux fois plus élevée).

Mais le montant global des pensions n'a rien à voir avec le montant global des cotisations antérieures. Il dépend seulement de la richesse produite dans le mois ou l'année considérée... et de la fraction de cette richesse que les actifs et les jeunes chômeurs consentent à laisser aux retraités.

• Dans l'hypothèse d'un maintien de la monnaie unique, il devient probable que l'appauvrissement de la France va s'amplifier dans les années à venir (désindustrialisation, fuite des jeunes diplômés etc). Cet appauvrissement est déjà perceptible comme le montre l'insurrection des Gilets jaunes. Il est pour l'heure compensé tant bien que mal par l'endettement du gouvernement français auprès des banques étrangères mais il va venir un moment où ces banques n'accepteront plus de financer le puits sans fond d'un État toujours plus démuni. 

Dans les années à venir, faute d'ajustement monétaire pour compenser les importations, les salaires s'orienteront à la baisse et, à ce moment-là, les actifs n'accepteront bien évidemment plus le maintien à niveau des pensions de leurs aînés, à leur seul détriment ! Le conflit se résoudra dans les urnes et plus sûrement dans la rue... ou les casernes.

On voit la menace qui pèse sur les retraites dans les prochaines années, sachant que rien ne viendra inverser la tendance de la dernière décennie sur la désindustrialisation, la dégradation du commerce extérieur et l'endettement de l'État. Rien sauf la mise à mort de la machine infernale qu'est devenue la monnaie unique...

• Dans l'hypothèse du remplacement de la monnaie unique par une monnaie nationale doublée d'une monnaie commune, tout s'inverse. L'emploi productif peut se redresser à l'abri du bouclier monétaire. L'État peut relancer une politique industrielle comme dans les années 1970 ou 1980, sans renoncer pour autant à la construction européenne. Enfin, avec un PIB en croissance, les retraités et futurs retraités ont l'assurance que le montant de leurs pensions sera à la mesure de leurs cotisations antérieures.   

La fin de la monnaie unique implique-t-elle le retour à des barrières douanières ?

Bien au contraire. Les changes flottants entre les monnaies permettent de garantir une balance commerciale équilibrée et rendent superflus les droits douaniers, sauf cas spécifiques. Trop d'importations : le taux de change de la monnaie nationale diminue ; trop d'exportations : il monte.

Les solidarités nationales sont-elles un obstacle à la modernité ?

La Suisse et la Norvège, réputées pour être les pays les plus heureux et les plus prospères de la planète, démontrent le contraire. Si les Suisses devaient entrer dans l'Union européenne, voire la zone euro, leur modèle social s'effondrerait aussitôt car ils devraient renoncer aux dispositions protectionnistes qui préservent leur agriculture, leurs transports publics... ainsi que leurs emplois.

Publié ou mis à jour le : 2019-06-10 18:55:10