

Le chef de l'État : ego ou arbitre ?
Paradoxe du « nous de majesté »
En s'obstinant à employer le « Je », Emmanuel Macron prend le risque d'apparaître comme le responsable de toutes les actions et décisions de ses subordonnés, bonnes ou mauvaises...
L’hôte de l’Élysée se plaît dans ses allocutions à employer le « moi, je » d’autorité : « Je veux », « J’ai décidé ». Il en use au point que cela en devient pathétique et ridicule. À trop forcer sur ce registre, il conduit les auditeurs à se rappeler que c’est aussi le même « moi, je » qui a viré son chef d’état-major Pierre de Villers mais protégé Benalla, s’est exhibé hilare entre deux voyous dépoitraillés, a éborgné les Gilets jaunes mais s’est couché devant les blackblocks et les racailles de quartier, s’est planté sans cesse avant, pendant et après les confinements, en se rendant au théâtre à contretemps, en maintenant des élections municipales en pleine tempête Covid, en bouclant les librairies ou encore en réduisant à 30 fidèles l’assistance aux messes. À trop vouloir se placer au centre de la scène, le président met à nu ses faiblesses et brade son autorité.
Rappelons-nous que le seul monarque qui ait ainsi employé le « moi, je » est Louis XVI, face aux députés des états généraux. Avant lui, Louis XIV avait soin de toujours employer le « nous de majesté », lequel ne désigne pas sa personne charnelle mais sa personne morale, autrement dit le Trône et l’ensemble de la Nation. Quand le roi proclame : « Nous avons décidé... », ses auditeurs comprennent qu’il s’exprime en porte-parole et arbitre de l’ensemble des institutions représentatives du royaume, quitte à contredire tout ou partie de celles-ci. On ne songe pas alors à dévisager la personne royale, ses faiblesses et ses tics, son humble enveloppe charnelle. On s’incline devant la figure de la Nation.
Regrettons donc que le président de la République n’emploie pas plus souvent le « nous » faussement qualifié de « majesté ». Il apparaîtrait alors comme un arbitre qui exprime un avis consensuel et non personnel. Ses décisions seraient plus facilement acceptées et ses erreurs et faux-pas plus facilement pardonnés.
Publié ou mis à jour le : 2021-01-04 21:55:47