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La gauche dans l'impasse

Les contradictions de Raphaël Glucksmann


Le fils du philosophe André Glucksmann a tenté de réunir la gauche modérée aux élections européennes de mai 2019 autour d'une liste Parti socialiste, Place Publique, Nouvelle donne aux élections européennes.
Au micro de France Inter ce 22 août 2019, il exprimait ses déceptions et ses espoirs...

Le très médiatique et télégénique philosophe est revenu à la radio sur son échec à fédérer la gauche française en répétant plusieurs fois : « Nous sommes tous partisans d'une Europe démocratique, sociale et écologique. Comment se peut-il que nous ne puissions nous retrouver sur ce programme ? »

La réponse tient aux deux contradictions que contient son affirmation. La première et la moindre est que La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, principal courant de la gauche actuelle, est hostile à l'Europe de Maastricht.

La deuxième contradiction et la plus grave tient au « Comment ? ». Comment le philosophe et ses partisans comptent-ils s'y prendre pour bâtir une « Europe démocratique, sociale et écologique » ? Lui-même, de toute évidence, n'en sait rien. C'est que l'Europe actuelle est un embrouillis d'oppositions dont il n'est possible de sortir aucune proposition consensuelle.

Les élus allemands défendent - à juste titre - les intérêts de leurs électeurs, de même que les élus hongrois, polonais, italiens et autres. Leurs intérêts n'ayant rien en commun, qu'il s'agisse de politique monétaire, de politique sociale ou de géopolitique, ils ne peuvent se retrouver aucun terrain d'entente. 

Le seul élément fédérateur demeure les institutions européennes elles-mêmes, lesquelles sont animées par des fonctionnaires et des magistrats sans lien avec les électeurs et le corps démocratiques. Ces institutions promeuvent avec obstination les principes inscrits dans les traités et leur propre vision du droit.

Tous les gouvernements s'obligent à les subir, ce qui fait que, d'un président à l'autre, en France, indépendamment de leur couleur partisane, c'est la même politique qu'ils suivent depuis au moins quinze ans, une politique alignée sur les obligations monétaires, fiscales, sociales et juridiques édictées par l'Union. Leur marge de manoeuvre est absolument nulle.

Des trois présidents en cause, le dernier est le plus cohérent avec lui-même. Sincèrement néolibéral et européiste, Emmanuel Macron applique à la lettre la politique édictée par l'Union, sans tenter de s'en justifier ou s'en défendre comme ses prédécesseurs.

Par-delà ces contradictions, le programme politique de Raphaël Glucksmann est frappé d'un péché mortel par le fait qu'il se réfère à l'Europe et non à la France !

Alors, bien sûr, le jeune philosophe peut expliquer que sans un changement de l'Europe néolibérale et donc sans un vote adéquat de l'ensemble des autres Européens, l'avenir de la France est très compromis. Dire cela revient à reconnaître que les Français ne sont plus maîtres de leur destin. Le « Peuple Souverain » évoqué par Jean-Jacques Rousseau serait devenu un valet au service de forces qui le dépassent.

Glucksmann est élu de la France et des Français et se doit d'afficher un programme relatif aux attentes de ses électeurs. C'est le B-A-BA de la démocratie !

Il devrait donc dire aux Français : « Nous sommes partisans d'une France démocratique, sociale et écologique... Et si nous ne pouvons la promouvoir dans le cadre européen actuel, nous quitterons celui-ci à moins qu'il ne se réforme ». C'est rien moins que le discours que tiennent les leaders que l'on dit à juste titre « souverainistes ».

Le qualificatif « souverainiste », qui se réfère aux valeurs de Rousseau et de la Révolution, est très honorable, à l'opposé du qualificatif « nationaliste » auquel ses adversaires se plaisent à l'identifier. Les nationalistes, tout au long de l'Histoire, dans tous les pays, prônent l'expansion de leur nation aux dépens des autres. Les souverainistes revendiquent quant à eux rien de plus que la pleine maîtrise de leur destin, dans un cadre démocratique et souverain, sans immixtion de puissances étrangères ou supranationales. 

Publié ou mis à jour le : 2019-08-22 15:00:42