

État de droit et droit coutumier
La justice est-elle démocratique?
Nous balançons entre trois concepts souvent interprétés à contresens, l'État de droit, la loi commune et la séparation des pouvoirs...
• L'État de droit d'origine allemande signifie que le droit doit se placer au-dessus de la loi, et les juges (qui font le droit) au-dessus des élus (qui font la loi). Ce concept apparu au XIXe siècle traduit une méfiance à l'égard du vote populaire. Après la chute du nazisme, il s'est trouvé renforcé par la conviction que Hitler avait pu arriver au pouvoir grâce, justement, au vote populaire. C'est ainsi qu'aujourd'hui, la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe ne se prive pas de mettre des entraves aux initiatives gouvernementales et par exemple entrave toutes les dispositions qui pourraient altérer la souveraineté au profit de l'Union européenne. En même temps, les juges et le gouvernement ne se privent pas d'interdire un parti populaire, l'AFD, dès lors qu'il menace l'ordre établi.
• La loi commune ou common law régit la société anglaise depuis le Moyen-Âge. Elle est fondée sur la primauté de la tradition. Une coutume sanctifiée par l'usage et le temps prend valeur de loi et ne peut dès lors être défaite. Le maintien envers et contre tout de la monarchie et de ses rites désuets illlustre cet attachement à la coutume. Plus sérieusement, il s'ensuit une société de confiance dans laquelle chacun connnaît les limites de ses droits et se tient assuré de pouvoir librement agir dans ces limites. La révolution industrielle a été rendue possible par cette société de confiance, chacun étant assuré de ne pas être lésé dans ses efforts par un changement brutal de législation.
• La séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire a été développée par les penseurs anglais du XVIIe siècle et mise à l'honneur en France par Montesquieu. Elle définit une règle fondamentale de toute société politique équilibrée. Mais omet un point essentiel : si le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif tiennent leur légitimité du peuple et sont responsables devant celui-ci, on ne précise pas de qui les juges eux-mêmes tiennent leur légitimité et devant qui ils seraient responsables.
Il s'ensuit qu'en France, en ce XXIe siècle, la magistrature a pu s'ériger en contre-pouvoir politique sans être responsable devant quiconque. Quoi que décident les élus en matière de sécurité intérieure, de politique migratoire, de droit civil, de droit européen ou de traités internationaux, ils sont obligés en dernier ressort de s'en remettre au bon vouloir des juges et des conseillers d'État, lesquels ne tirent leur légitimité que de leur réussite à un concours à l'âge de vingt ans. Une saine application de la séparation des pouvoirs reviendrait à confier la nomination des magistrats et leur révocation à une assemblée élue par les citoyens, par exemple un Conseil de neuf membres.
Publié ou mis à jour le : 2021-03-09 11:57:05